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Acquisition démembrée par une société et son dirigeant : pas d’avantage anormal ou bénévole en cas de travaux d’amélioration !

L’acquisition d’un bien en usufruit par une société et en nue-propriété par les dirigeants présente un intérêt fiscal certain, et ce nonobstant les nombreuses tentatives de l’administration fiscale de taxer ces opérations.

Le contribuable doit naturellement rester attentif aux risques suivants :

-    Simulation, si toutes les conséquences des actes posés ne sont pas respectées ;

-    Abus fiscal, encore que l’existence d’un abus nous paraisse exclu ;

-    A la valorisation du droit d’usufruit, qui doit être prudent et tenir compte de la durée du droit et des revenus de l’immeuble ;

-    A la déductibilité des frais liés au droit d’usufruit (amortissement, intérêts de l’emprunt, précompte immobilier, etc.) ;

-    En cas de travaux réalisés dans l’immeuble, à la nature des travaux effectués (qui doit les prendre en charge ?) et à l’indemnisation éventuelle de l’usufruitier par le nu-propriétaire.

Sur ce dernier point, la Cour d’Appel de Bruxelles a récemment été amenée à se prononcer sur l’existence d’un avantage anormal ou bénévole consenti aux nus-propriétaires lorsque la société usufruitière procède à des travaux d’amélioration sans que les nus-propriétaires ne lui versent la moindre indemnité à l’expiration de l’usufruit.

En l’espèce, un couple avait cédé à sa société l’usufruit d’une maison d’habitation pour une durée de neuf ans contre paiement d’une somme de 99.157,41 €. En cours d’usufruit, la société a réalisé divers travaux dans l’immeuble pour un montant de 41.055,48 €.

Au terme de l’usufruit, l’administration a imposé le montant des travaux dans le chef de la société au titre d’avantage anormal et bénévole au motif que le couple n’avait versé aucune indemnité à la société.

La Cour d’Appel de Bruxelles a rappelé qu’en vertu de l’article 599, alinéa 2 du Code Civil, l’usufruitier ne peut, à l’expiration de l’usufruit, réclamer une indemnité pour les améliorations apportées, quand bien même elles auraient permis d’augmenter la valeur de l’immeuble. Les travaux d’amélioration sont des travaux non nécessaires dont le coût n’excède pas les revenus de l’usufruit et dont l’avantage qu’en retire l’usufruitier pendant la durée de son droit est censé compenser le coût. 

En l’espèce, la Cour d’Appel de Bruxelles a qualifié les travaux réalisés d’améliorations et, partant, a exclu toute obligation d’indemnisation dans le chef du nu-propriétaire. 

La société n’a donc pas renoncé à une indemnité à laquelle elle avait droit et n’a attribué, par conséquence, aucun avantage anormal ou bénévole aux nus-propriétaires.

En conclusion, une société peut réaliser des travaux dans l’immeuble dont elle est usufruitière, quand bien même ceux-ci excèderaient les travaux d’entretien dont elle est légalement responsable mais pour autant que ces travaux ne soient pas légalement à charge du nu-propriétaire (par exemple, la rénovation complète d’une toiture). 

Si la valeur de ces travaux est inférieure à la valeur des revenus de l’usufruit, il s’agit de simples travaux d’amélioration, qui ne justifient le paiement d’aucune indemnité dans le chef de nu-propriétaire.

En conséquence, à l’expiration de l’usufruit, aucun avantage anormal ou bénévole ne pourra être imposé dans le chef de la société. Si le nu-propriétaire était dirigeant de la société, l’absence d’indemnité ne pourrait pas non plus justifier l’attribution d’un avantage de toute nature imposable.

Note : le législateur s’apprête à réformer plus ou moins profondément le Code civil, dont certaines dispositions en matière d’usufruit. Le projet actuellement discuté prévoit que le nu-propriétaire ne sera pas tenu d’indemniser l’usufruitier pour les améliorations que celui-ci apporterait à l’immeuble, à moins qu’il n’y ait donné son accord préalable. Cela ne nous semble a priori pas remettre en question les conclusions auxquelles la Cour d’Appel de Bruxelles est arrivée dans l’arrêt précité.

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