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Déclaration tardive et accroissement d’impôt

De l’amende à l’accroissement

De nombreux contribuables, pris par le temps, ont la mauvaise habitude de déposer tardivement leur déclaration fiscale. Une déclaration est déposée mais en dehors du délai légal.

Face à ces retards, l’administration fiscale se montrait relativement compréhensive, se limitant à l’application d’une amende administrative qui, conformément à l’article 445 du CIR 92, oscille entre 50 € et 1.250 €.

Des instructions contraires lui ont toutefois été données et elle applique désormais, pour toutes déclarations tardives, un accroissement d’impôt.

Dans ces situations, l’administration fiscale ne modifie très généralement en rien la déclaration fiscale du contribuable. Elle se contente de lui adresser une notification d’imposition d’office et d’appliquer un accroissement de 10 % pour première infraction, 20 % pour seconde infraction et ainsi de suite.

Condamnation de la position administrative

Sur base de l’ancien article 444 CIR92, de nombreux recours ont été introduits et la jurisprudence était plutôt favorable au contribuable. L’article 444 CIR92 ne prévoyait effectivement pas explicitement la situation d’une déclaration tardive : la stricte application du texte légal allait donc à l’encontre de la position administrative.

Dans un arrêt du 15 mars 2018, la Cour de cassation l’a confirmé : « aucun accroissement d’impôt ne peut être appliqué en cas de dépôt tardif d’une déclaration ».

Les contribuables ayant contesté ces accroissements ont donc eu raison et vont obtenir gain de cause, que ce soit au stade administratif ou judiciaire. Pour eux, tout n’est plus qu’une question de temps.

Quid pour l’avenir ?

Pour l’avenir, la situation est différente. Le 30 juin 2017, le législateur a effectivement voté une modification de l’article 444 CIR92, lequel prévoit désormais explicitement l’application d’un accroissement d’impôt en cas de déclaration tardive.

Nous nous interrogeons encore sur ce qui peut motiver le législateur à voter une sanction aussi disproportionnée et discriminatoire.

Certes, le contribuable en retard manque à l’une de ses obligations légales. Mais sa déclaration est néanmoins introduite avant tout contrôle et permet à l’administration fiscale d’enrôler l’impôt.

La situation est donc différente de celle d’une déclaration inexacte, où l’administration fiscale doit entamer une procédure de contrôle et donc mobiliser des moyens.

En outre, le « meilleur » des contribuables, c’est-à-dire celui payant un impôt élevé, sera lourdement sanctionné, ce qui est de nature à décourager de nombreuses initiatives. N’est-il pas intolérable d’imaginer la situation d’un contribuable sanctionné d’une amende de 5.000 €, 10.000 € ou plus pour une déclaration tardive de quelques jours seulement ?

On peut également penser aux comptables et experts-comptables, dont la responsabilité en cas de déclaration tardive peut être mise en cause et qui ont pourtant, chaque année, à faire face à la capacité insuffisante de l’e-service du SPF FINANCES, se retrouvant à multiplier les tentatives d’envoi infructueuses.

Comment réagir ?

Il est évident que la première mesure à prendre est d’assurer le dépôt des déclarations fiscales en temps et en heure. Mais le contribuable ayant manqué à cette obligation et se voyant appliquer un accroissement d’impôt devrait le contester en justice pour violation des principes d’égalité et de non-discrimination. Il pourrait également demander la remise de ces accroissements, qui nous paraissent constituer une sanction à caractère pénal.

Intolérable injustice fiscale

Cette sanction peut être mise en relation avec les nouvelles règles applicables en matière d’intérêts de retard. Aucun contribuable ne peut ignorer que lorsque l’administration fiscale lui doit de l’argent, elle est redevable d’un intérêt moindre que celui qui lui serait dû dans la situation inverse.

De telles mesures participent en effet à un sentiment justifié d’injustice, là où le Gouvernement nous promettait plus de justice fiscale et une pacification des rapports entre les contribuables et l’administration fiscale.

Cette politique laisse aux contribuables le sentiment toujours plus grand d’être pressés comme des citrons et le tout sans aucun égard.

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