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Droit de visite de l’administration fiscale : précisions de la jurisprudence récente

L’administration fiscale dispose de droits et de prérogatives lui permettant d’assurer l’établissement et le recouvrement de l’impôt légalement dû. Elle a notamment le droit de visiter les locaux professionnels et même les bâtiments habités. Ces prérogatives sont toutefois strictement encadrées et les Cours et Tribunaux ont eu, ces derniers mois, l’occasion d’en préciser les contours.

Droit de visite de l’administration (articles 319 du CIR et 63 du CTVA)

Dans le cadre d’un contrôle ou d’une enquête en matière d’impôts sur les revenus ou de TVA, les agents de l’administration ont le droit d’accéder librement aux locaux professionnels ou aux locaux où les personnes morales exercent leurs activités.

Mais les agents de l’administration peuvent également avoir accès à tous autres lieux dans lesquels des « activités sont effectuées ou sont présumées effectuées ».

Ce droit de visite est toutefois soumis à des conditions supplémentaires strictes lorsqu’il s’agit de pénétrer dans des bâtiments ou locaux habités. Dans ce cas, la visite ne peut en effet être réalisée que de cinq heures du matin à neuf heures du soir et uniquement avec l’autorisation préalable du Juge de police.

Droit de visite de l’administration vs. droit au respect de la vie privée et du domicile du contribuable

Ce droit de visite est une ingérence de l’administration fiscale dans le droit au respect de la vie privée et du domicile consacré par la Convention européenne des droits de l’homme et la Constitution.

Pour que cette ingérence soit permise, elle doit nécessairement répondre aux conditions suivantes : être prescrite par une disposition légale suffisamment précise, correspondre à un besoin social impérieux et être proportionnée à l’objectif légitime poursuivi par celle-ci.

Précisions récentes de la jurisprudence

Récemment, la jurisprudence belge a eu l’occasion de préciser les contours de ce droit de visite au regard du respect de ces droits fondamentaux.

La Cour constitutionnelle a ainsi jugé que la visite fiscale de locaux professionnels était entourée de garanties suffisantes contre les abus. La Cour a notamment relevé que les dispositions légales consacrant ce droit de visite ne confèrent pas à l’administration un droit général, inconditionnel et illimité de libre accès aux locaux professionnels. Un juste équilibre a été trouvé par le législateur, selon la Cour, entre les droits du contribuable et la nécessité pour l’administration de procéder à des contrôles et enquêtes efficaces (C.C., 12 octobre 2017, n°116/2017).

Plus récemment, la Cour constitutionnelle s’est prononcée sur la visite fiscale des habitations et locaux habités, qui est subordonnée à une autorisation préalable du Juge de police. Elle a précisé que l’autorisation préalable du Juge de police devait être expressément motivée. Bien que paraissant évidente au regard des libertés en jeu, cette nécessité était contestée par le fisc. La Cour a jugé qu’à défaut de motivation, le droit de visite ne serait pas entouré de garanties suffisantes contre les abus, dans la mesure où aucun contrôle juridictionnel effectif de la régularité de la visite fiscale et de la preuve obtenue ne serait possible (C.C., 27 juin 2019, n°104/2019).

Enfin, la Cour d’appel de Bruxelles a récemment jugé en matière de TVA que le droit de visite ne pouvait pas être étendu « sur place » à d’autres contribuables. En l’espèce, l’administration qui était chargée du contrôle d’une société avait effectivement étendu ce contrôle à une seconde société, après avoir constaté que la comptabilité de cette dernière se trouvait également dans les bureaux visités, dans lesquels était situé son siège social. Selon la Cour, un tel examen ne répond pas à la condition de prévisibilité du droit de visite en matière fiscale. Cette condition de prévisibilité est pourtant requise dans la mesure où la visite des locaux professionnels constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée. Partant, la Cour a annulé la cotisation concernée qui était fondée sur une preuve obtenue de manière illégale (Bruxelles, 21 mai 2019, non encore publié).

Conclusion

Ces décisions sont l’occasion de rappeler que le droit de visite de l’administration fiscale constitue une ingérence dans les droits fondamentaux du contribuable qui suppose dès lors le respect de conditions strictes. Ces conditions constituent une garantie contre les risques d’abus ou d’arbitraire de l’administration.

A cet égard, il est important de rappeler que si le contribuable a l’obligation de collaborer dans le cadre d’un contrôle fiscal, il ne peut jamais y être contraint. Et à plus forte raison encore, lorsque le fisc abuse de ses prérogatives.

 

 

 

 

 

 

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